Dépenses de santé : le Leem interpelle Manuel Valls

Les entreprises du médicament ont alerté jeudi le Premier ministre, Manuel Valls, sur « les conséquences des mesures de régulation prises ces trois dernières années en matière de maîtrise des dépenses de santé ». « Le médicament ne peut continuer à supporter l’essentiel de l’effort de redressement des comptes sociaux », estime le Leem qui appelle à « une nouvelle donne ».

L’organisation professionnelle rappelle que l’industrie du médicament entame « la troisième année de récession de son chiffre d’affaires, couplée à un alourdissement inédit du poids des mesures de régulation et de fiscalité ». « Depuis trois ans, le secteur subit annuellement près d’un milliard d’euros de baisses de prix, auquel s’ajoutent près de 300 millions d’euros d’actions de maîtrise médicalisée, et plus d’un milliard d’euros de recettes liées à la fiscalité spécifique de l’industrie du médicament (en plus de la fiscalité de droit commun) », rappelle le Leem.

« Alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie, le médicament supporte depuis trois ans plus de la moitié des efforts d’économie imposés par le législateur dans le cadre de la loi annuelle de financement de la sécurité sociale (LFSS), dénonce Patrick Errard, Président du Leem. Cette situation compromet lourdement l’attractivité de la France pour les investissements en santé, elle fragilise une industrie du médicament employant 100 000 personnes sur le territoire national, et surtout elle ne règle en rien le déficit structurel dont souffre notre système de santé », poursuit-il.

A titre de comparaison, le Leem souligne qu’alors que l’hôpital représente près de la moitié des dépenses dans le champ de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), le niveau des efforts réalisés sur ce poste se situait, ces trois dernières années, entre 500 et 600 millions d’euros annuels.

La France, « seul pays à demeurer dans le rouge »

Selon le Leem, cette « pression croissante de la régulation et de la fiscalité spécifique entraîne une récession durable de l’industrie du médicament, une perte de rentabilité et une contraction de son chiffre d’affaires ». Après une année 2012 à – 3,3 % et une année 2013 à – 2,3 %, les prévisions pour 2014 font envisager une décroissance d’environ – 1,5 % du marché remboursable.

Parmi les principaux marchés mondiaux, la France est le seul pays à demeurer dans le rouge. « Les contraintes budgétaires inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale se fondent sur des données totalement obsolètes en termes de niveaux de consommation et de prix », observe Philippe Tcheng, Président de la commission des Affaires économiques du Leem. En effet, l’OCDE, dans son rapport « Health at a Glance » de novembre 2013, établit que la France est le huitième pays en termes de consommation de médicaments, que ce soit en pourcentage du PIB ou par habitant, derrière l’Allemagne et la Belgique notamment. Et les prix des médicaments sont aujourd’hui situés dans la moyenne basse européenne, y compris pour les produits innovants.

« Le déséquilibre de cette régulation économique remet aujourd’hui en cause l’outil industriel de production : les investissements productifs ont baissé de 44 % ces quatre dernières années dans le secteur du médicament, qui accuse désormais une perte d’emplois en production », souligne le Leem qui appelle à plus de prévisibilité et de lisibilité en matière de fiscalité, d’accès au marché et de régulation économique.

« Les grands voisins et challengers de la France – les Britanniques au travers de l’accord sur le Pharmaceutical Price Regulation System (PPRS) ou les Allemands avec la révision des procédures de réévaluation quinquennale – ont compris que pour attirer les investissements en santé, il fallait réunir les conditions de la visibilité, de la lisibilité et de la prédictibilité, et offrir aux entreprises des perspectives sur trois-cinq ans », estime l’organisation. « Ces mêmes pays, ainsi que l’Italie et l’Espagne, concurrencent désormais lourdement la France pour la localisation sur leur sol d’activités de production », poursuit le Leem.

L’organisation estime que » l’industrie du médicament constitue pour la France l’un des rares secteurs de sortie de crise ». « Dans un contexte de concurrence internationale intense, près de la moitié de la production nationale est exportée (26,3 Mds€ en 2013, avec un excédent commercial de 9 Mds€), et 1 € supplémentaire produit par le secteur génère 3 € de valeur supplémentaire dans le reste de l’économie », souligne-t-elle.

Un système à réformer d’urgence

C’est pourquoi le Leem appelle à des « des réformes de fond ». L’organisation professionnelle rappelle qu’elle soutient depuis près d’un an » la fixation d’une loi de financement, non plus annuelle, mais pluriannuelle, qui confère davantage de visibilité aux acteurs du système de santé, tout en contribuant à l’effort de réduction des déficits, notamment par des actions structurelles ». « La pluriannualité permettrait en outre de mettre en cohérence les politiques de régulation avec les politiques de santé publique et les politiques industrielles », estime le Leem.

« (…) Nous avons déjà formulé des propositions, en matière de développement responsable de l’automédication, de développement de l’ambulatoire, de l’amélioration du parcours de soins… », rappelle Patrick Errard souhaitant que les industriels puissent « s’impliquer dans le juste usage des médicaments et investir dans le développement d’actions structurelles sur le système de santé ». « Le médicament ne peut plus être considéré comme le pivot de la recherche de nouvelles économies. », conclut-il.

Source : Leem