Les tests génétiques du cancer du sein bloqués pour cause de brevet

Après de nombreux rebondissements, l’Office européen des brevets (OEB) vient  d’accorder à Myriad Genetics le brevet sur le gène BRCA1, un des principaux gènes de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire. L’Institut Curie, l’AP-HP et l’Institut Gustave-Roussy, soutenus par l’INCa s’inquiètent des conséquences sur la faisabilité des tests. En effet, les laboratoires qui les pratiquent peuvent être désormais poursuivis pour contrefaçon.

Depuis 2001, de nombreux opposants, l’Institut Curie, l’IGR, l’AP-HP notamment, et diverses sociétés de génétique européennes contestent le monopole imposé par les revendications de Myriad Genetics, licencié exclusif de ces brevets. Bien que les deux brevets réexaminés soient réduits, les institutions restent inquiètes quant aux conséquences que peut avoir une telle décision sur la faisabilité des tests génétiques de recherche de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire. En effet, dans l’optique où Myriad Genetics saisirait la justice française pour revendiquer ces droits sur ces deux brevets, comment cette dernière interpréterait-t-elle ces brevets ?

 

« Une épée de Damoclès sur la santé publique »
Le brevet porte sur un certain type de mutations de ce gène de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire et les méthodes permettant leur détection. Le Pr Dominique Stoppa- Lyonnet, chef du service de Génétique de l’Institut Curie et professeur à l’Université Paris Descartes, précise que bien que « sous une forme plus restreinte, ce brevet reste une menace pour notre conception de la santé publique ».
En effet, cette décision de l’OEB peut avoir diverses suites. Myriad Genetics peut attaquer les laboratoires pratiquant les tests pour contrefaçon. « L’interprétation de ce brevet complexe sera alors dans les mains de la justice française » conclue Jacques Warcoin, Conseil en propriété industrielle au Cabinet Regimbeau. L’université de l’Utah et Myriad Genetics peuvent aussi décider de négocier avec les différents laboratoires, voire abandonner le brevet compte tenu des difficultés liées à sa mise en oeuvre. « Le brevet tel que validé représente donc une épée de Damoclès, selon le Pr Gilbert Lenoir, directeur de la recherche à l’Institut Gustave-Roussy, et les institutions opposantes doivent rester en alerte. ».  Les brevets accordés par l’OEB à l’Université de l’Utah, ont une portée restreinte par rapport à celle originellement demandée par Myriad Genetics. Mais une menace demeure en raison du flou lié à leur interprétation.

 

L’intérêt de santé publique prédominera-t-il ?
Si ces brevets étaient jugés valables par la justice française, le système des licences d’office pourrait alors servir de rempart.  En effet, la législation française contient une disposition permettant de soumettre un médicament à une licence d’office si les exigences financières du breveté apparaissent contraires à l’intérêt de la santé publique.
Depuis 2004, grâce à la mobilisation des institutions françaises, cette disposition a été élargie à tous les brevets liés à la santé publique, et notamment aux méthodes de dépistage génétique. En France, cette disposition pourrait inciter Myriad Genetics à négocier plutôt qu’à se lancer dans une confrontation.

 

A ce jour, plus de 15 000 consultations de génétique sont pratiquées en France chez des femmes appartenant à des familles identifiées comme à risque. 4 000 tests de recherche de première mutation dans les gènes BRCA1 et BRCA2 sont effectués et 15 % des mutations identifiées deviennent la base de tests génétiques.