Sanofi-aventis : le panthéon perd son Jupiter

« Final cut », clap de fin pour Jean-François Dehecq, président du conseil d’administration de Sanofi-aventis, qui cède aujourd’hui son (immense) fauteuil à Serge Weinberg, l’ancien patron de PPR et d’Accor. Un dernier mohican du patronat français qui avait pour ainsi dire forgé en trente sept ans l’un des  poids lourds de l’industrie mondiale.

Atteint par la limite d’âge (70 ans depuis le 1er janvier), Dehecq est un monument : 1,97 m. Baraqué comme un docker, des mains gigantesques au point de faire passer son cigare pour un stylo à bille, un fauteuil aux dimensions d’un patron jupitérien, des colères à la mesure de sa stature, un goût très prononcé pour la politique : orphelin à 16 ans, fort d’un CAP de tourneur, il finance ses études à coups de petits boulots. Dehecq est un héros archétypique de la saga des grands patrons post-gaullistes qui ne fera d’ailleurs jamais mystère de sa relation privilégiée avec Jacques Chirac. Directeur général puis PDG de l’empire pendant quinze ans, il avait cédé la direction opérationnelle du groupe en 2007, à contre-cœur.

« Flah back » : 1973.  L’ « Omnium financière pour l’hygiène et la santé », n’est qu’une officine discrètement abritée par Elf Aquitaine. Le déclic, c’est la rencontre avec René Sautier, un dirigeant du groupe en quête de diversification : direction la beauté, les parfums, et finalement la santé. Acquisitions à la hussarde pour faire de Sanofi une multinationale de 105.000 personnes présente sur les cinq continents. Bilan : 37 ans de règne, 300 opérations ! Surnommé « le Grand » en raison de sa haute stature, Jean-François Dehecq aura donc réalisé en trente-sept ans quelque 300 opérations, parfois coûteuses comme le rachat d’Yves Saint-Laurent. Le « Grand » ne lésine pas : en 1999, Sanofi mettra la main sur Synthélabo, filiale de L’Oréal. Mais c’est en 2004 qu’il réussit son coup de maître, en avalant Aventis, le groupe né de la fusion de la galaxie Hoechst, Rhône-Poulenc-Rohrer. Facture ? 55 milliards d’euros… Une affaire épique car cette fois, la grenouille avale le bœuf : Sanofi est alors beaucoup plus petit qu’Aventis. Mais l’Elysée veille au grain et joue un rôle décisif dans la bataille : qui ne souvient en effet des pages entières de publicité achetées par les deux protagonistes -Jean-François Dehecq d’un côté et de l’autre Igor Landau, le charismatique patron d’Aventis- ! Mais la fin des blockbusters sonne un peu la première retraite de Dehecq. C’est alors l’échec coûteux d’Acomplia®, (la pilule anti-obésité), le bébé de son fils spirituel Gérard Le Fur, alors contraint de céder son fauteuil d’éphémère directeur général du groupe. En 2007, un nouveau tandem se met en place : Serge Weinberg, l’ancien patron de PPR et d’Accor, à la présidence, et Chris Viehbacher (ex-GSK) qui avait brigué la présidence du groupe. Mais, là encore, la politique l’emporte: l’Elysée n’entendait pas alors confier les rênes du groupe à un patron opérationnel germano-canadien.

 La retraite donc ? Pas tout à fait… Jean-François Dehecq, resté très impliqué dans le Fonds stratégique d’investissement. Sanofi-aventis vient par ailleurs d’annoncer la création de sa Fondation d’Entreprise “Sanofi Espoir”, dédiée à la mise en oeuvre de programmes de santé et de solidarité dans le monde entier. Jean-François Dehecq est d’ailleurs nommé président de la Fondation.

 Hervé Karleskind

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