Paludisme : deux nouvelles molécules bloquent le développement de P. falciparum

Des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l’Imperial College de Londres, ont synthétisé deux composés capables d’enrayer rapidement et de manière irréversible la croissance de P. falciparum1 durant toutes les phases sanguines de son cycle de vie.

Ces derniers agissent en inhibant l’action d’une classe d’enzymes indispensable au développement du parasite, les méthylases d’histones. Ce travail fait l’objet d’une publication le 24 septembre dans la revue PNAS et vient d’être présenté au 23ème Molecular Parasitology Meeting, à Woods Hole, Massachusetts, USA.

Selon les estimations de l’OMS, le paludisme tue entre 1 et 3 millions de personnes par an. Les zones tropicales défavorisées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine sont les plus touchées par la maladie. Aucun vaccin n’est aujourd’hui disponible. Plusieurs molécules anti-paludiques sont actuellement utilisées à des fins préventives et thérapeutiques. Cependant, compte tenu des résistances de plus en plus nombreuses observées ces dernières années, le contrôle du paludisme nécessite la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques et le développement de de molécules inhibitrices.

Les recherches menées par Artur Scherf, chef de l’Unité de Biologie des Interactions Hôte- Parasite de l’Institut Pasteur, CNRS URA 2581, vont dans ce sens : après l’identification de deux molécules (BIX-01294 et TM2-115), les chercheurs ont pu tester leur grande efficacité in vitro avec succès sur P. falciparum, et in vivo sur P. berghei, parasite provoquant le paludisme chez le rongeur.

Les résultats obtenus par les chercheurs sont significatifs : lorsqu’elles sont introduites dans le milieu de culture de P. falciparum, BIX-01294 et TM2-115 entraînent toutes les deux, rapidement et de manière irréversible, la mort du parasite. Après seulement 12h d’incubation, BIX- 01294 provoque la disparition totale de P. falciparum. In vivo sur une espèce modèle de souris, les chercheurs ont également constaté une nette diminution de la présence de P. berghei après l’administration de TM2-115.

Le mode d’action de BIX-01294 et TM2-115 est similaire. Ces dernières entraînent une réduction significative d’une forme de l’histone H3 (H3K4me3), laquelle participe à la régulation de l’expression des gènes de P. falciparum et P. berghei. Les travaux des chercheurs suggèrent donc que H3, et plus généralement les methylases d’histones, sont une nouvelle classe de cible thérapeutique pour la mise au point de traitements efficaces. Les chercheurs soulignent également le potentiel représenté par l’inhibiteur BIX-01294 pour agir durant les autres phases du cycle de vie de P. falciparum, et des autres espèces du genre plasmodium qui infectent l’homme.

Ces travaux ont notamment bénéficié du soutien de la Fondation Pasteur de New York et de la Fondation Bill et Melinda Gates, ainsi que d’un financement de l’European Research Council.
1 Plasmodium falciparum est l’espèce la plus pathogène des parasites qui transmettent le paludisme. Elle est responsable de l’ensemble des cas mortels.

Source : Institut Pasteur / CNRS

Small-molecule histone methyltransferase inhibitors display rapid antimalarial activity aginst all blood stage forms in Plasmodium falciparum, Proceedings of the National Academy of Sciences, September 23, 2012.
Nicholas A. Malmquist1,2, Thomas A. Moss3, Salah Mecheri1,2, Artur Scherf1,2, Matthew J. Fuchter3
1 Unité de Biologie des Interactions Hote-Parasite, Institut Pasteur, France
2 Unité de Recherche Associée 2581, Centre National de la Recherche Scientifique, France
3 Department of Chemistry, Imperial College, Royaume-Uni