Un espoir de traitement préventif et curatif contre le Chikungunya

Photo : Détection du virus Chikungunya (en rouge) dans une articulation de souris, microscopie à fluorescence. © T. Couderc & M. Lecuit/Institut Pasteur/InsermDes chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm en partenariat avec le Laboratoire Français du Fractionnement et des Biotechnologies (LFB) sont parvenus à traiter et à prévenir chez l’animal l’infection due au virus du Chikungunya.

Ils ont pour cela purifié des anticorps dirigés contre le virus, à partir du plasma de patients guéris de la maladie et donc immunisés contre ce virus. En apportant la preuve de l’efficacité d’un tel procédé, ces travaux, publiés dans Journal of Infectious Diseases, ouvrent la voie à la mise au point rapide d’un premier traitement spécifique contre l’infection.

Les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, au sein du groupe Microorganismes et barrières de l’hôte (1), ont utilisé le plasma sanguin de près de 600 patients donneurs réunionnais ayant développé la maladie. L’Île de la Réunion, rappelons-le, avait été très fortement touchée par l’épidémie de Chikungunya de 2005-2006, qui avait affecté près d’un tiers de la population de l’île. Lors de cette épidémie, les personnes qui avaient contracté la maladie, aujourd’hui guéries, ont produit des anticorps les immunisant contre le virus du Chikungunya. Ces anticorps restent présents dans le plasma sanguin plusieurs années après l’infection.

Répondant à une demande du ministère de la Santé faite à l’industrie pharmaceutique de rechercher des solutions thérapeutiques et préventives de la maladie, le LFB a entrepris de collaborer avec l’antenne réunionnaise de l’Etablissement Français du Sang afin de collecter du plasma de patients guéris, de contrôler la présence d’anticorps dirigés contre le chikungunya, et de les purifier selon un procédé déjà utilisé pour la fabrication d’un médicament du LFB disponible en France depuis plusieurs années.

Les tests réalisés par les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm en lien avec ceux du LFB ont montré que le sérum de ces patients guéris, tout comme les anticorps purifiés à partir de leur plasma, sont capables de bloquer l’infection de cellules inoculées in vitro au laboratoire, et de guérir 100% des animaux infectés par le virus. Sérum et anticorps anti Chikungunya ont donc une activité neutralisante vis-à-vis du virus. L’effet préventif du traitement a également été prouvé, puisqu’aucune des souris l’ayant reçu n’a développé la maladie après administration du virus.

L’utilisation de sérum à visée anti-infectieuse, ou sérothérapie, est connue de longue date, et a d’ailleurs été pour la première fois utilisée chez l’homme par le pasteurien Emile Roux pour le traitement de la diphtérie dès la fin du XIXe siècle. De même, l’administration régulière d’anticorps est utilisée pour renforcer les défenses immunitaires des patients n’en produisant pas ou pas assez. La production d’anticorps à activité anti-Chikungunya à partir du plasma de donneurs s’effectue dans un cadre industriel et pharmaceutique strictement réglementé, au sein des usines du LFB.

Ces travaux apportent ainsi la preuve de principe qu’un premier traitement spécifique contre le Chikungunya peut être facilement et rapidement produit à partir de donneurs ayant développé la maladie. Deux lots produits par le LFB seront disponibles pour la réalisation d’études cliniques, en cas de nouveaux foyers d’émergence du virus, Ce traitement pourrait notamment être utilisé auprès des personnes à risque, susceptibles de développer les formes graves de la maladie, comme les personnes âgées et les nourrissons nés de mères infectées. D’une manière générale, une stratégie similaire pourrait être utilisée pour d’autres infections émergentes pour lesquelles il n’existerait pas de traitement spécifique.

(1) Institut Pasteur/équipe Avenir et FRM Microorganismes et barrières de l’hôte- Unité Inserm 604

 Source : Prophylaxis and Therapy for Chikungunya Virus Infection, Journal of Infectious Diseases, 15 août 2009,  Thérèse Couderc et al.