Fiscalité, déremboursements: les mutuelles se fâchent

Le directeur général de la Mutualité française, le Dr Jean-Martin Cohen Solal, souhaite que le Parlement ne vote pas le projet du gouvernement sur la taxation des contrats responsables des complémentaires santé qui, selon lui, entrainerait une hausse des cotisations pour 93% de nos concitoyens.
Interview réalisée par Hervé Karleskind.

Mypharma-editions.com : “Dr Jean-Martin Cohen Solal, vous êtes directeur général de la Mutualité française : le projet du gouvernement visant à taxer les complémentaires santé sur les contrats responsables vous choque-t-il ? Risque-t-il d’être adopté dans le Projet de loi de finances ? »

Dr Jean-Martin Cohen Solal : « Le gouvernement souhaite créer un impôt nouveau sur les contrats responsables qui, jusqu’alors n’étaient pas taxés. Ce nouvel impôt va toucher 93% de nos concitoyens, et entraîner mécaniquement une hausse des cotisations . Autant dire que la Mutualité est contre cette mesure et qu’elle fera en sorte qu’elle ne soit pas votée. Car contrairement à ce qui est dit, ce n’est pas une mesure visant à  garantir l’avenir de la solidarité, c’est une question de dette : pour couvrir les déficits cumulés de la Sécurité sociale. Aucune entreprise privée ne pourrait fonctionner de la sorte. Cela revient par ailleurs à vider de sa substance une partie de la réforme de l’assurance maladie de 2004 qui prévoyait de soumettre les contrats responsables au respect du parcours de soins coordonné. Tout ce que l’on peut souhaiter, c’est que le Parlement ne vote pas cette loi en l’état ».

Mypharma-editions.com :« Vous avez récemment déclaré que les mutuelles devraient pouvoir rembourser les médicaments prescrits en fonction de leur efficacité, c’est-à-dire sur la base des critères du Service médical rendu (SMR) établi par la Haute autorité de santé (HAS).  Mais vous avez précisé que ce souhait, pour l’heure, restait au stade expérimental. Les craintes des assurés sont-elles légitimes ? »

Dr Jean-Martin Cohen Solal : “Je n’ai pas dit ça. Mais il faut rappeler aux adhérents  que les mutuelles ne savent pas ce qu’elles remboursent. Elles se trouvent donc dans la situation de “payeurs aveugles”.  Avec l’accord de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), une première expérimentation a eu lieu : la CNIL a d’ailleurs renouvelé son accord. Il faut bien comprendre que, sur les 150 médicaments à vignette orange pris en charge à 15% par la Sécurité sociale, coexistent  des médicaments à service médical rendu faible et insuffisant, selon les critères établis par la Haute autorité de santé (HAS). Dans le cadre de cette expérimentation, les mutuelles ont la possibilité de voir ce qu’elles remboursent dans l’objectif de mieux comprendre leur métier. Six pharmacies sont concernées par l’expérimentation et, bien entendu, les informations qu’elles transmettent aux  mutuelles expérimentatrices sont anonymes. La Mutualité est tout à fait dans son rôle quand elle revendique les informations nécessaires pour prendre une part plus active dans la gestion du risque ».

Hervé Karleskind