L’industrie des biotechnologies confrontée à de nouveaux défis dans le domaine de la R&D

Ernst & Young publie son 25ème rapport annuel sur le secteur mondial des biotechnologies : « Beyond Borders: Global Biotechnology Report 2011 ». Si la performance globale de l’industrie des biotechnologies s’est améliorée en 2010, le fossé s’est agrandi entre les sociétés matures et les jeunes entreprises innovantes qui ont toujours des difficultés à avoir accès aux capitaux.
L’industrie mondiale des biotechnologies a enregistré en 2010 un taux de croissance renforcé, tant en termes de chiffre d’affaires que de résultat, atteignant ses objectifs de rentabilité pour la deuxième année consécutive. Cependant, le financement de la R&D est de plus en plus limité pour la grande majorité des sociétés du secteur, qui sont en général au stade pré-commercial et requièrent un financement dans la durée pour soutenir le développement de médicaments. Cette évolution génère de nouvelles contraintes sur le business model traditionnel du secteur des biotechnologies et pourrait transformer la manière dont les entreprises poursuivront leurs efforts de R&D à l’avenir.

« Certes, la performance globale du secteur s’est améliorée en 2010, mais le fossé s’est agrandi entre les sociétés matures et les jeunes entreprises innovantes qui ont toujours des difficultés à avoir accès aux capitaux », déclare Glen Giovannetti, Global Biotechnology Leader chez Ernst & Young. « Les entreprises de biotechnologie vont devoir faire preuve de créativité pour s’adapter à cet environnement, en exploitant davantage les financements disponibles et en apportant la preuve, auprès des investisseurs, des organismes payeurs et des autorités réglementaires, du potentiel de leurs produits, dès les premiers stades de développement. »

Principaux enseignements du rapport
– Rentabilité record : les sociétés présentes dans les grands pôles de biotechnologie en Australie, au Canada, aux Etats-Unis et en Europe ont réalisé un bénéfice net consolidé de 4,7 milliards US$, soit une hausse de 30% par rapport à l’année précédente.

– Rebond du financement confirmé : les entreprises au Canada, aux Etats-Unis et en Europe ont levé 25 milliards US$ en 2010, soit l’équivalent de la moyenne des quatre années ayant précédé la crise financière mondiale.

– Recul du financement de l’innovation : aux Etats-Unis, les grandes transactions financées par emprunts initiées par des sociétés matures et rentables ont progressé de 150% par rapport à 2009. A l’inverse, on a observé un recul de 20% du montant de « capital-innovation » pour le secteur.

– Financement profondément déséquilibré : 82,6% du financement a bénéficié à seulement 20% des entreprises américaines, contre 78,5% un an auparavant. Quant aux 20% d’entreprises du bas du classement, elles ont levé 0,4% des fonds, en recul par rapport à 2009 (0,6%).

– Alliances toujours dynamiques, mais versements initiaux très limités : la valeur potentielle totale des alliances stratégiques est restée solide, à plus de 40 milliards US$. Toutefois, les paiements initiaux versés aux entreprises biotechnologiques par des partenaires ont reculé de 37%, à 3,1 milliards US$.

– Ralentissement des transactions : les fusions/acquisitions impliquant des sociétés de biotechnologie européennes ou américaines ont nettement marqué le pas, passant de 58 opérations en 2009 à 45 en 2010, alors que leur valeur totale est restée relativement stable (après retraitement des chiffres de 2009 pour exclure la méga-acquisition de Genentech).

Inscrire l’innovation dans un modèle durable
Selon le rapport Beyond Borders, le secteur devra relever de nombreux défis pour préserver sa capacité d’innovation historique. Non seulement les fonds disponibles pour l’innovation sont en train de se réduire, mais les entreprises de biotechnologies sont de plus en plus en concurrence avec d’autres secteurs (développement durable, Web 2.0) pour accéder à des financements par capital-risque.

Alors que les capitaux disponibles diminuent, les sociétés doivent s’adapter à un processus de découverte et de développement des molécules de plus en plus long, coûteux et risqué. Les autorisations de mise sur le marché ont atteint un niveau historiquement bas. Il est en effet de plus en plus en plus fréquent que les régulateurs requièrent des données supplémentaires, alors même que les sociétés ont réalisé leurs essais cliniques.

Glen Giovannetti souligne également que « les systèmes de santé dans le monde entier sont soumis à une pression accrue pour réduire les coûts. Cela pèse constamment sur les prix et suscite des incertitudes concernant le chiffre d’affaires que les entreprises innovantes peuvent espérer générer avec leurs produits. Cette instabilité des systèmes de santé conduit, par ailleurs, à un mouvement généralisé contraignant les entreprises à non plus uniquement produire de nouveaux médicaments, mais également à prouver que les résultats sont meilleurs en termes d’impact sur le système de santé. »

Dans ce contexte de plus en plus difficile, le rapport identifie quatre approches complémentaires qui permettront aux entreprises de biotechnologies d’inscrire leur modèle d’innovation dans la durée.

1. Prouver ou perdre : dans un environnement axé sur les résultats, les entreprises seront de plus en plus tenues de prouver que leurs produits se distinguent véritablement. En conséquence, elles vont devoir adapter leurs stratégies dès les premiers stades de développement afin de démontrer aux autorités compétentes l’efficacité relative de leurs produits. Elles devront ensuite être disposées à développer des approches créatives de négociation des prix, prenant notamment en compte la valeur ajoutée des résultats.

2. En faire plus avec moins : les entreprises vont devoir trouver des moyens plus efficaces de gérer leur capital et de mener leurs activités de R&D. Elles devront se montrer créatives pour lever des fonds et optimiser, préserver et investir un capital limité – en monnayant par exemple leur propriété intellectuelle existante ou en amplifiant le modèle d’entreprise « virtuelle » pour réduire les coûts d’infrastructure. En ce qui concerne la R&D, les entreprises sont encouragées à cibler de plus petites populations de patients, ce qui implique des essais de taille plus modeste, une concurrence moins importante des génériqueurs et des problèmes de tolérance réduits.

3. Développer de nouvelles compétences : les dirigeants auront besoin de développer de nouvelles compétences telles que : la sensibilisation à l’évolution de la dynamique de marché (ex. autorités, organismes payeurs, pharma) ; une plus grande discipline en matière de gestion de projet et d’évaluation des performances ; la capacité à mesurer la valeur (ex. techniques analytiques) et à communiquer sur cette valeur.

4. Collaborer pour des actions concertées : soutenir l’innovation nécessite également des changements auxquels les sociétés de biotechnologies ne peuvent procéder seules, exigeant des actions concertées avec d’autres parties prenantes. Citons par exemple : l’évolution vers un écosystème d’essais cliniques plus flexibles et d’approbations conditionnelles de médicaments ; le recentrage des mécanismes de paiement sur la valeur réelle des résultats apportés par le médicament ; le développement de mesures incitatives visant à retenir les investisseurs dans le domaine des biotechnologies ; et l’amélioration de la transparence en termes d’accès au marché pour renforcer la confiance des acteurs du secteur.

Données régionales

Etats-Unis

– Chiffre d’affaires des entreprises de biotechnologies cotées en Bourse : 61,6 milliards US$, soit une hausse de 10%.
– Résultat net : 4,9 milliards US$ en 2010, contre 3,7 milliards US$ en 2009.
– Montant des transactions de fusions et acquisitions : 12,6 milliards US$, le plus bas niveau des cinq dernières années.
– Financement total de l’industrie : 20,7 milliards US$ en 2010, contre 18 milliards US$ en 2009.
– Capital-risque : 4,4 milliards US$ levés en 2010, en légère baisse par rapport aux 4,6 milliards US$ de 2009.
Europe
– Chiffre d’affaires des sociétés de biotechnologies cotées : en hausse de 12% avec 13 milliards d’euros, contre une croissance de 2% enregistrée en 2009.
– Perte nette combinée des biotechnologies : 459 millions d’euros en 2010, contre 467 millions d’euros en 2009.
– Montant des opérations de fusions et acquisitions : 3,5 milliards d’euros en 2010, contre 1,8 milliard d’euros en 2009.
– Financement total du secteur : 2,9 milliards d’euros, stable par rapport à 2009.
– Capital-risque : 1 milliard d’euros levés au total, en hausse par rapport aux 790 millions d’euros en 2009.

Canada / Australie
– Canada : les biotechnologies ont levé plus de 482 millions US$ en 2010, soit un repli de 251 millions US$ par rapport à 2009. Toutefois, si l’on exclut le financement de 325 millions US$ réalisé par une seule entreprise, le capital levé par le secteur en 2010 ressort en hausse de 18%.
– Australie : les entreprises de biotechnologie cotées en bourse ont levé 129 millions US$ en 2010, soit moins de la moitié du total atteint en 2009.

Consultez en ligne le rapport « Beyond Borders » 2011