Un test automatisé pour évaluer la migration cellulaire et l’efficacité de nouvelles molécules anticancéreuses

Des physiciens et des biologistes du CNRS, de l’UPMC, de l’Inserm et de l’Institut Curie viennent de mettre au point une méthodologie pour automatiser l’analyse de la migration cellulaire. Les biologistes développent en effet de nombreuses molécules pour enrayer la progression tumorale. Ensuite pour les évaluer, ils observent leurs effets sur des populations de cellules. Une opération jusqu’à présent manuelle, fastidieuse, longue et source d’erreurs.

Avec cette nouvelle méthodologie, empruntée à la physique et présentée dans Nature Methods du 14 octobre 2012, les physiciens proposent en libre accès à la communauté scientifique, un test fiable, facile, rapide et plus pointu afin d’accélérer la découverte de nouvelles molécules empêchant l’envahissement tumoral.

A l’heure où la biologie génère des masses de données de plus en plus importantes en raison du passage au haut débit des techniques d’analyse, le développement d’outils fiables et rapides pour décrypter ces résultats est primordial. L’équipe de Pascal Silberzan[1], en collaboration avec l’équipe de Jacques Camonis[2], vient de mettre au point un logiciel totalement innovant pour analyser la migration cellulaire. Un sujet crucial puisque c’est ainsi que l’efficacité de certains traitements contre le cancer est évaluée au niveau cellulaire. En effet, l’un des défis de la cancérologie reste de découvrir des molécules qui bloquent la progression tumorale. D’où la recherche de substances chimiques pouvant arrêter la migration cellulaire.

Pour tester l’efficacité d’une molécule donnée, les chercheurs étudient son action sur un ensemble de cellules. Comment ? En filmant en présence de cette molécule, la recolonisation d’une surface par migration cellulaire suite à une « blessure », une sorte de coupure effectuée au sein d’un film de cellules. Le problème majeur de cette méthode est que les chercheurs doivent analyser manuellement des centaines de films et y suivre des dizaines de cellules pour identifier les molécules les plus actives. Un travail fastidieux, long et source d’erreurs.

S’inspirant de l’hydrodynamique, l’équipe de Pascal Silberzan, physicien d’origine, vient de mettre au point une méthodologie fiable, quantitative et objective pour analyser ces films de manière automatisé. « Avec cette méthode, les cellules sont désormais toutes prises en compte lors de l’analyse des films, explique Jacques Camonis, alors que manuellement, il n’était possible de suivre que les cellules se trouvant au « bord » de la blessure ». Comparé avec les techniques manuelles, ce logiciel – que les chercheurs ont choisi de mettre en libre accès pour l’ensemble de la communauté scientifique – apporte gain de temps, fiabilité mais aussi des données plus complètes.

« Cette idée est née d’une discussion avec le biologiste Jacques Camonis » raconte Pascal Silberzan. « L’exposé des techniques d’analyse que son équipe utilisait nous a incités à transposer des méthodes d’analyses radicalement différentes utilisées habituellement en physique des fluides ». Il ne restait plus qu’à les développer et les valider pour les besoins des biologistes. C’est désormais chose faite.

La solution à un problème de biologie est donc venue de la physique, d’où l’importance de la multidisciplinarité inscrite historiquement dans la culture de l’Institut Curie. Dans la lourde tâche consistant à mieux comprendre le développement tumoral, les biologistes sont épaulés par des physiciens, des chimistes, des mathématiciens. Le croisement des compétences permet à la fois de mettre au point les outils nécessaires au décryptage des processus tumoraux en produisant des méthodes d’analyse novatrices.

Comment les cellules migrent pour combler une brèche

Pour évaluer les capacités migratoires des cellules, les chercheurs les observent lorsqu’elles recolonisent une brèche qu’ils ont eux-mêmes créée. Ici, chaque image a été prise à 5h d’intervalle. C’est à partir de ces films que les chercheurs étudient l’efficacité des molécules anticancéreuses sur la migration des cellules.

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[1] Pascal Silberzan est directeur de recherche CNRS et chef d’équipe dans l’unité PhysicoChimie Curie – Institut Curie/CNRS UMR 168/UPMC

[2] Jacques Camonis est directeur de recherche Inserm et chef d’équipe dans l’unité Génétique et biologie des cancers – Institut Curie / Inserm U830

Sources : Inserm

“Automated velocity mapping of migrating cell populations (AVeMap)” Nature Methods, November 2012. ; Maxime Deforet, Maria Carla Parrini, Laurence Petitjean, Marco Biondini, Axel Buguin, Jacques Camonis& Pascal Silberzan
Nature Methods, Published online. 14 Octobre. 2012.10.1038/NMETH.2209