« Salles de shoot » : Matignon tacle Roselyne Bachelot

La ministre de la Santé s’était -imprudemment- prononcée pour l’ouverture d’une concertation sur les « salles de shoot », les salles de consommation de drogue sous surveillance médicale. Après quelques tangages dans la majorité, le couperêt de Matignon est tombé. « Niet ».

En pleine crise sécuritaire, la déclaration de la ministre tombait à la vérité comme un cheveu sur la soupe. A-t-on en effet idée d’ouvrir un tel débat, même sur la foi d’un rapport favorable de l’Inserm, au moment même où les pouvoirs publics ferraillent dans les quartiers chauds avec les dealers ? A-t-on en effet idée d’ouvrir une porte aussi dangereuse que possible –celle qui mène aux polémiques sur la dépénalisation du cannabis, par exemple, au moment où, ce n’est un secret pour personne, le Front national se tient en embuscade pour faire flèche de tout bois ? Le pouvoir est persuadé que les élections régionales ont été perdues sur le terrain sécuritaire : sa riposte, sa stratégie de reconquête des électeurs de droite ne s’est pas faite attendre. Du muscle, et des résultats.

Autant dire que même si les intentions de la ministre –fraîchement accueillie par les médecins qui ne sont pas convaincus par ces « salles de shoot »- sont les plus louables qui soient, la leçon est amère. Metternich disait, non sans raison, que l’on ne fait pas de bonne politique avec de bonnes intentions. C’est d’ailleurs dans cet esprit que Matignon  a renvoyé Roselyne Bachelot dans ses cordes en affirmant que : « la priorité était de réduire la consommation de drogue et non de l’organiser ». Cette doctrine prévaut en France depuis quarante ans : plusieurs fois, des voix souvent autorisées, se sont déclarées en faveur d’une politique de dépénalisation voire même de décommercialisation. Toutes ces tentatives ont échoué. Ministre de la Santé en 1988, Michèle Barzach a sans doute conservé un souvenir ému de son initiative : la ministre souhaitait en effet –ce qui fut fait- que l’on pût vendre les seringues sans contrôle afin d’enrayer la progression, à l’époque fulgurante, du sida.

Roselyne Bachelot connaît le même sort : ministre de la Santé, c’est le job à risques. La liste des tombés au champ d’honneur est longue : Jean-François Mattei, grillé par la canicule ; Alain Juppé, flingué par les médecins aux législatives de 1997…  Aujourd’hui Roselyne Bachelot, « la grippe A m’a tuer », désavouée pour n’avoir compris que la doctrine officielle était désormais : « à droite, toute ! ». Il faut à n’en pas douter avoir l’habileté toute diabolique d’un Bernard Kouchner ou d’un Philippe Douste-Blazy (Xavier Bertrand ne s’était pas mal débrouillé non plus) pour survivre dans un tel ministère. La preuve ? Après les régionales du printemps dernier, la tête de Roselyne Bachelot aurait du tomber, mais il se dit que faute d’impétrant, l’exécutif préféra attendre et laisser son maroquin à la ministre « sortante ». Mais à l’automne, l’affaire sera sans doute entendue et le sort de la ministre sera scellé.

Hervé Karleskind