Alzheimer : l’épaisseur de la matière grise, un témoin précoce de la maladie

Alzheimer : l’épaisseur de la matière grise, un témoin précoce de la maladieL’équipe de Pierre Celsis au sein de l’Unité 825 « Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques » de l’Inserm à Toulouse vient de mettre au point une technique rapide et simple à partir de l’IRM. Cette technique pourra être adaptée pour le diagnostic d’autres maladies du cerveau. Ces travaux sont publiés dans la revue Brain.

Le problème est connu depuis plusieurs années. Lorsque les chercheurs essaient de repérer de manière précoce la maladie d’Alzheimer à partir d’images du cerveau, la variabilité entre individus est trop importante pour dégager des règles simples de détection. Ainsi, le volume de l’hippocampe, zone privilégiée de la mémoire et principale zone lésée par la maladie, peut être, paradoxalement, plus petit chez un individu sain que chez un patient. Cette mesure étant donc trop imprécise, les chercheurs de l’équipe de Pierre Celsis ont étudié un autre critère : l’épaisseur corticale.

La mesure de l’épaisseur corticale
Le cortex ou substance grise contient les cellules nerveuses ou neurones qui sous-tendent les fonctions cognitives, sensorielles et motrices. Contrairement au volume de l’hippocampe, l’épaisseur du cortex varie peu entre les individus. La maladie d’Alzheimer affectant certaines zones corticales plus que d’autres, l’équipe a déterminé celles étant les plus sensibles à la maladie. La mesure de l’épaisseur moyenne de celles-ci permet de prédire si le patient examiné évoluera dans un futur proche vers une maladie d’Alzheimer.

Les données utilisées proviennent d’une vaste cohorte américaine dont les sujets, suivis pendant deux ans et présentant des troubles légers de la mémoire, sont susceptibles d’évoluer, pour une proportion impossible à déterminer au départ, vers une maladie d’Alzheimer.

76% de prédictions exactes
Les travaux des chercheurs de l’Inserm ont permis de montrer que la mesure de l’épaisseur corticale à partir de l’examen IRM pratiqué à l’entrée prédit correctement trois fois sur quatre (76% de prédictions exactes) l’évolution du patient dans les deux ans. Comme il est probable qu’au cours d’une période de suivi plus longue, davantage de patients « suspects » évoluent vers la maladie, le test offre vraisemblablement un pouvoir de prédiction encore meilleur à plus long terme. L’apport de la technique proposée est particulièrement important chez les patients ayant un haut niveau d’éducation car, chez ceux-ci, la « réserve cognitive » masque longtemps la progression de la maladie. La méthode proposée permet de détecter plus précocement ces patients.

Le logiciel développé par les chercheurs doit être maintenant validé par une large étude en population générale à partir des images fournies par des appareils d’IRM soigneusement réglés. Il pourra alors indiquer au médecin, en moins de 20 minutes, si le patient est hautement susceptible ou non de développer une maladie d’Alzheimer dans les mois ou années qui suivent. Pour Pierre Celsis « Cette information aidera le médecin à déterminer les modalités de suivi et de prise en charge de son patient, en relation avec son environnement familial..»

Finalement, en modifiant les zones corticales prises en compte dans le calcul de l’épaisseur, l’équipe Inserm espère pouvoir adapter cette technique à d’autres pathologies touchant le cortex. Des démences autres ou des pathologies altérant la substance grise pourraient elles aussi bénéficier d’un diagnostic plus précoce, d’un meilleur suivi et à terme, de traitements plus efficaces aux stades précoces voire même avant que la maladie ne se manifeste.

Pour en savoir plus :
Source : Early diagnosis of Alzheimer’s disease using cortical thickness: impact of cognitive reserve  O. Querbes, F. Aubry, J. Pariente, J.-A. Lotterie, J.-F. Démonet, V. Duret, M. Puel, I. Berry, J.-C. Fort, P. Celsis. The Alzheimer’s Disease Neuroimaging Initiative. Brain, mai 2009.