Médicaments à risques : la liste « noire » fait polémique

On ne fait pas de bonne politique avec de bonnes intentions. Une fois de plus, l’adage se vérifie dans la publication, par l’Afssaps, de la liste des 77 médicaments « à risques ». Des voix autorisées s’élèvent contre cette démarche pour le moins brutale qui a pour principal défaut de placer les prescripteurs -les médecins- dans une position inconfortable : que peuvent-ils en effet répondre aux patients à qui ils ont prescrit pendant plusieurs années des spécialités aujourd’hui considérées comme « à risques » ?

 Une fois encore, les médecins se trouvent démunis et un peu seuls face à une décision certes inspirée des meilleurs intentions mais « vendue » si l’on peut dire de la plus calamiteuse façon. A l’évidence, on n’a donc tenu aucun compte des leçons pourtant cuisante de l’épisode des vaccinodrômes de la pandémie A/H1N1. Dans l’urgence et la précipitation médiatique, l’agence livre en pâture des produits qui, pour la plupart, n’avaient jusqu’alors pas suscité des critiques aussi lapidaires, notamment dans la description des effets secondaires. Dans de telles conditions, la prescription devient aujourd’hui un exploit que les médecins sont seuls à relever face à des patients dont le désarroi et le soupçon sont facilement compréhensibles.

A-t-on pour autant jeté le bébé avec l’eau du bain ? C’est en substance ce que déplorent les praticiens libéraux, relayés par certains experts comme le Pr Claude Le Pen qui n’hésite à se demander, dans les colonnes du « Quotidien du Médecin » à quoi peut bien servir une liste aussi hétéroclite qui doit singulièrement compliquer les usages du « colloque singulier », c’est-à-dire le dialogue entre le médecin et son patient.

Le moins que l’on puisse dire est que l’on n’en pas fini avec les dommages collatéraux du Mediator. Pour parvenir à résipiscence, les autorités de santé, et notamment l’Afssaps vivement critiquée dans le rapport de l’Igas du 15 janvier, n’ont pas mégoté. Au point qu’il a fallu rectifier le tir: selon les représentants de l’Afssaps et le Pr Didier Houssin, patron de la DGS, il ne s’agit pas de la liste noire des médicaments dangereux à retirer du marché. «C’est une garantie pour les patients» assure le Pr Houssin en expliquant qu’une surveillance renforcée permet de prendre des mesures adaptées. Concrètement, «cela ne doit en aucun cas conduire les patients à qui il a été prescrit un de ces médicaments à l’interrompre sans avoir préalablement pris conseil auprès de leur pharmacien et/ou consulté leur médecin» écrit l’Afssaps. Voilà un charabia aussi utile qu’un pansement sur une jambe de bois. S’est-on à un moment quelconque interrogé sur la réaction des patients qui sont désormais fondés à se demander si tous les médicaments ne sont pas des Mediator en puissance ? S’est-on, pour finir, interrogé sur le discours à tenir face à des patients désemparés ? Eh non… Il faut bien avouer que la liste des gaffes en matière de santé publique devient presque aussi longue que celle des 77 médicaments « à risques». On devrait du reste tenir un registre des bourdes à répétition : on arriverait sans doute à 77, et sans forcer.

 Hervé Karleskind