VIH: l’Ansm fait le point sur l’utilisation de Truvada® en prévention

Un comité d’experts s’est réuni le 10 mai 2012 à l’Agence américaine du médicament (FDA) afin de se prononcer sur l’utilisation du Truvada® (association d’emtricitabine et de ténofovir) en tant que prophylaxie pré-exposition (PrEP). Ce comité a recommandé cette extension d’indication pour le produit. La FDA devrait rendre sa décision finale d’ici le 15 juin. A cette occasion, l’Ansm fait le point sur l’utilisation d’un traitement antirétroviral dans la prophylaxie pré-exposition (PrEP) du VIH.

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) est l’utilisation d’un traitement antirétroviral (ARV) par des personnes non infectées, en prévention de la transmission sexuelle du VIH. Les conclusions du comité d’experts de la FDA reposent sur les résultats de plusieurs études. Ces données ont également été analysées par un groupe d’experts français, réuni à la demande de la Direction Générale de la Santé et coordonné par le Professeur Yeni. Les principales données de ces études sont résumées ci-dessous et figurent dans le rapport en lien ci dessous.

· L’étude iPrEx, comparant le nombre d’infections VIH survenues chez 2 449 homosexuels masculins à risque élevé d’infection (en raison de leurs pratiques sexuelles), ayant reçu tous les jours 1 comprimé oral de Truvada® ou de placebo. Une réduction globale d’incidence de 44% (IC 95 : 15-63) de l’infection par le VIH a été observée dans le groupe ayant reçu le Truvada® par rapport au groupe ayant reçu le placebo.

· L’étude TDF2, menée au Botswana et comparant le nombre d’infections VIH survenues chez 1 219 participants (dont 544 femmes) ayant reçu tous les jours 1 comprimé oral de Truvada® ou de placebo. L’analyse en intention de traiter a identifié 33 séroconversions, avec une diminution d’incidence de l’infection par le VIH de 62,6% (IC95 : 21-83) dans le groupe ayant reçu le Truvada® par rapport au groupe ayant reçu le placebo. La sécurité d’emploi a été qualifiée de satisfaisante malgré l’importance des troubles digestifs.

· L’étude Partners PrEP ayant suivi pendant 36 mois, au Kenya et en Ouganda, 4 747 personnes non-infectées par le VIH, dont les partenaires infectés ne recevaient pas de traitement antirétroviral (compte tenu des recommandations nationales). Les participants (38% de femmes) ont reçu tous les jours un comprimé oral de Truvada®, de Viread®, ou de placebo (1:1:1) ; 78 infections ont été recensées (non présentes à l’inclusion), avec une diminution d’incidence de l’infection par le VIH de 73% dans le groupe Truvada® et de 62% dans le groupe Viread® par rapport au groupe placebo, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. L’observance, mesurée par le décompte des comprimés, était excellente (97%) et la sécurité d’emploi était bonne malgré une fréquence plus élevée de troubles digestifs avec les traitements actifs qu’avec le placebo. Une diminution des pratiques sexuelles à risque a été observée au cours du suivi. Le placebo a été interrompu sur la base de ces résultats, mais l’étude se poursuit pour comparer les deux traitements actifs.

· L’étude FEM-PrEP ayant pour objet de comparer le nombre d’infections VIH survenant chez des femmes à risque élevé d’infection, et recevant 1 comprimé oral de Truvada® ou de placebo tous les jours. L’étude a été interrompue après qu’une analyse intermédiaire ait montré une incidence égale de l’infection par le VIH dans les deux bras (5% patient-années).

L’ANSM est impliquée directement dans la recherche sur le sujet de la prophylaxie pré-exposition. Elle a autorisé le 26 août 2011 l’essai Ipergay avec le Truvada®, dont le promoteur est l’ANRS (Agence Nationale de Recherche sur le SIDA). Alors que l’essai iPrEX porte sur une utilisation continue de Truvada®, l’essai Ipergay étudie l’utilisation intermittente en fonction de l’activité sexuelle. Les chercheurs espèrent ainsi rendre le respect du traitement plus aisé. L’essai ANRS Ipergay a débuté dans trois centres français (à Paris et à Lyon), le 30 janvier 2012, et sera initié ultérieurement à Montréal.

L’ANSM contribue par ailleurs à l’évaluation au niveau européen, des dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des antirétroviraux, dont le Truvada®, pour lequelle la France est co-rapporteur. Elle coordonne la réflexion sur les déterminants du rapport bénéfice/risque de la prévention orale et topique. Ce travail fait l’objet d’une consultation publique dans le cadre d’un « reflection paper » disponible sur le site de l’EMA jusqu’au 30 juin 2012.

A ce stade, aucune demande d’AMM dans l’indication PrEP n’a été déposée par le laboratoire qui commercialise Truvada®. Cette demande devra être déposée au niveau européen, comme c’est la règle pour tous les antirétroviraux. Dès que les données nécessaires à la soumission d’un dossier d’AMM européen seront disponibles, l’ANSM contribuera à leur évaluation en mobilisant son expertise interne et externe.

A lire sur le site de l’Ansm: Rapport du 20 février 2012 du groupe d’experts chargé d’émettre des recommandations sur la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH, sous la direction du Pr Patrick Yeni (11/05/2012)  (383 ko)

Source : Ansm