Servier : les raisons d’un virage à 180°

Virage à 180°. La directrice générale du laboratoire Servier Lucy Vincent a affirmé ce matin sur RTL et hier dans le « Journal du Dimanche » que « le Médiator a pu représenter un vrai risque pour certains patients ». Les raisons de cette volte-face ? Elles sont multiples et spectaculaires.

Rappel des faits : Jacques Servier, patron et fondateur du laboratoire qui porte son nom, commence l’année 2011 par réagir en contestant le nombre de décès attribués par les autorités sanitaires à son coupe-faim, en déclarant : « le Mediator, ce n’est que trois morts », selon ses propos rapportés par « Libération ». Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand se dit alors « stupéfait ».
Question : qui a pu amener Servier à changer radicalement sa stratégie de communication et passer ainsi de la dénonciation du « complot » au mea culpa ? Le gouvernement, sans nul doute, mais aussi le Leem (Les Entreprises du médicament » qui ne cachait pas sa « consternation » devant les propos de Jacques Servier. Bref, la « ligne Servier » était devenue indéfendable. Pour corser le tout, l’annonce vendredi dernier de l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « blessures et homicides invonlontaires » a pesé un poids non négligeable dans la volte-face du laboratoire. Au point que la directrice générale Lucy Vincent affirmait ce matin même sur RTL : « Nous sommes contents d’aller jusqu’au bout pour que l’on voie bien notre bonne foi ». Et d’ajouter : « Servier prendra ses responsabilités » . En clair, Servier, qui a tout lieu de redouter les conclusions du rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales » confié à Aquilino Morelle, ancienne « plume » de Lionel Jospin quand il était à Matignon, tente de désamorcer la bombe à retardement. Comment ? En saisissant très probablement la perche tendue par le président de l’Association d’aide aux victimes des accidents de médicaments (http://www.aaavam.eu/) Georges-Alexandre Imbert qui, dans les colonnes du « Parisien », annonçait ce matin qu’il recherchait un accord avec le laboratoire. En clair, une négociation à l’amiable plutôt qu’un interminable procès à l’issue incertaine dans des délais considérables. Certes, l’addition sera lourde mais Servier peut faire face : le groupe est solide, qui affiche un chiffre d’affaires de l’ordre de 3,6 milliards d’euros. Cela signifierait-il pour autant la fin de l’  « affaire Mediator » ? Assurément non : le médicament est maintenant dans la spirale du déni de confiance. Il en était péniblement sorti, il y retombe de la façon la plus brutale et la plus spectaculaire qui soit.
Pour les industriels du secteur, c’est une véritable tuile : comment en effet imaginer obtenir désormais une AMM (Autorisation de mise sur le marché) dans des conditions de temps à peu près honorables, compte tenu du renforcement très probable de l’évaluation médico-économique des produits de santé ? Mission impossible ? Presque.

 Hervé KARLESKIND