Vaccin H1N1: les médecins généralistes sont furieux

Pas contents les médecins ! Et pour cause : ils devront aller eux-mêmes chercher les doses dans les centres de vaccination pour vacciner leurs patients, et seront rémunérés 6,60 euros par injection si l’acte n’est pas pratiqué dans le cadre d’une consultation. Abracadabrantesque ?

 Même si Roselyne Bachelot leur a tendu la main en les autorisant à vacciner dans leurs cabinets, la vaisselle est bien cassée : la brouille entre le ministère de la Santé et les médecins de ville est bien loin de s’éteindre. Après bien des atermoiements, et même le refus de les laisser vacciner en ville -sans pour autant renoncer aux réquisitions-, le ministère de la Santé a fini (ou presque) par se rendre à la raison : tous les médecins qui le souhaitent, généralistes ou spécialistes, pourront vacciner leurs patients à partir du 12 janvier.

Les médecins ont donc gagné, mais il s’agit bien d’une victoire à la Pyrrhus. Et ils l’ont bien compris. Il faut bien avouer que, du point de vue du modus operandi, on reste dans la tradition : c’est bien chichiteux tout ça. Qu’on en juge ! Les praticiens candidats devront aller eux-mêmes chercher les doses dans un centre de vaccination. Le ministère juge que l’on ne peut pas faire autrement car les  doses sont conditionnées par boîtes de dix. Il n’est donc pas possible que les patients aillent eux-mêmes retirer le produit comme ils le font pour les vaccins contre la grippe saisonnière. Le président de la CSMF, le plus important des syndicats de médecins, le Dr Michel Chassang, estime pour sa part et non sans bon sens que les médecins n’auront pas le temps matériel d’aller les chercher. Les choses devraient s’arranger quand les doses seront disponibles dans un certain nombre de pharmacies, selon les mots de la ministre Roselyne Bachelot. Quant aux patients,  ils devront, en principe, se munir du bon envoyé par l’assurance-maladie. Dans la pratique, les médecins vaccineront tous ceux qui le souhaitent, y compris les patients qui n’ont pas de bon.

Mais les choses se gâtent au chapitre de la rémunération. Lorsqu’ils vaccineront dans le cadre d’une consultation, ils ne toucheront rien de plus que le tarif de base. S’ils veulent pratiquer des actes spécifiques, ils seront rémunérés 6,60 euros l’injection par l’assurance-maladie. Mais le patient ne paiera rien. Fureur des médecins qui estiment qu’il s’agit d’une « obole ».

Bref, entre les praticiens libéraux et l’Etat, c’est la rupture ou tout comme. Evidemment, le contexte des élections professionnelles prévues au printemps n’est pas propice au moindre arrangement : la négociation sur le renouvellement de la convention qui les lie à l’assurance maladie étant par ailleurs très mal engagée, on ne voit pas vraiment ce qui pourrait pousser les médecins de ville –qui se sont estimés humiliés d’avoir été tenus à l’écart de la phase 1 de la campagne de vaccination- à revenir dans les bras de la ministre. C’est même tout le contraire. Plus grave encore : du point de vue politique, la majorité semble avoir la mémoire courte. En 1997, au lendemain de la mise en place du Plan Juppé de maîtrise des dépenses d’assurance maladie, plan assorti de sanctions financières malhabiles et inapplicables envers les médecins qui prescrivaient trop, la droite avait essuyé une sacrée défaite aux élections législatives, amenant la gauche au pouvoir pour cinq ans. Il se disait alors que, pour se venger d’avoir été ainsi maltraités, les médecins de ville avaient invité leurs patients à sanctionner le gouvernement sortant. A quelques deux mois des élections régionales, la droite doit-elle craindre que l’Histoire lui repasse une deuxième fois le même plat ?

Hervé Karleskind © www.hkconseils.com