Thiotépa : l’Afssaps fait le point sur les mesures prises

Le thiotépa, un agent anticancéreux, n’est plus utilisé que dans des indications très restreintes. Suite aux défauts de qualité constatés sur le seul médicament disponible en France, l’Afssaps a organisé le retrait des lots concernés  Du fait du caractère potentiellement délictueux du dossier, l’agence a, en collaboration avec les autorités helvétiques, engagé des investigations complémentaires et saisi la justice, dans l’attente de sanctions à l’encontre du laboratoire.
Le thiotépa est un anticancéreux de la classe des agents alkylants, famille de médicaments désormais peu utilisés du fait de l’existence de nombreuses alternatives plus récentes. Jusqu’à présent, il était commercialisé en France, sous forme de flacons pour préparations injectables (Thiotépa 15 mg) par les laboratoires Genopharm, le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) étant la société luxembourgeoise Alkopharma sarl. Les indications thérapeutiques, prévues dans cette AMM, sont les chimiothérapies du cancer du sein, de l’ovaire et de la vessie (par voie locale). Toutefois, la plus grande part de son utilisation actuelle est faite en dehors de ces indications de l’AMM (cf. ci-dessous).

Les raisons du retrait de la spécialité Thiotépa
Le laboratoire allemand Riemser, lui-même fabricant du thiotépa, a fait part de ses doutes sur la date de péremption du Thiotépa 15 mg, à l’Afssaps le 15 avril 2011. Celle-ci a diligenté un processus de vérification de ce signalement auprès des autorités allemandes, italiennes et suisses. Après communication d’un complément d’information le 27 mai par le laboratoire Riemser, l’Afssaps a réalisé une inspection des laboratoires Genopharm, du 7 au 9 juin, permettant de recueillir des documents sur les lots de Thiotépa 15 mg, qui, après confrontation avec les informations complémentaires des autorités allemandes et suisses, ont permis d’établir une falsification. Fin août, les résultats de l’analyse des lots incriminés par les laboratoires de contrôle de l’Afssaps ont montré que la teneur en principe actif était inférieure aux normes en vigueur (86 % au lieu de 95% minimum), sans qu’il soit mis en évidence de produit de dégradation (impureté). D’autres contrôles, menés au cours du mois de septembre sur l’ensemble des lots présents sur le marché, ont abouti aux mêmes conclusions.
Le risque sanitaire
Le sous-dosage, constaté lors des différentes analyses, ne conduit pas à une baisse d’efficacité significative, ni à une toxicité. Cette perte limitée de substance active est également à mettre en regard de l’utilisation actuelle du médicament par les centres spécialisés en oncologie ; le thiotépa n’est pratiquement plus utilisé que pour provoquer une aplasie médullaire complète (destruction des cellules-souches de la moelle osseuse avec ou sans irradiation corporelle totale) chez des malades qui vont subir une greffe de nouvelles cellules-souches, notamment dans certaines formes de leucémie (indication hors AMM, qui ne concerne que quelques dizaines de patients par an, mais ayant fait l’objet d’une évaluation en tant que médicament orphelin au niveau européen). Pendant cette période de conditionnement de quelques jours précédant la greffe, les malades reçoivent des doses très élevées du produit et font l’objet d’une surveillance extrêmement attentive, la posologie étant souvent adaptée en fonction de la réponse biologique. Enfin, le Thiotépa 15 mg commercialisé par les laboratoires Genopharm est le seul médicament disposant d’une AMM en France et il est donc indispensable d’assurer la continuité des approvisionnements.

Les mesures prises par l’Afssaps
En l’absence de risque avéré pour les malades et d’une possibilité d’approvisionnement immédiate, le produit Thiotépa 15 mg est resté disponible jusqu’à l’arrivée d’une solution alternative, qui a été mise à disposition des établissements de soins à compter du 13 octobre 2011, en accord avec les autorités sanitaires européennes. Une lettre à tous les médecins hospitaliers, oncologues, hématologues et pharmaciens des établissements de santé, a été transmise le 12 octobre les informant de la rupture imminente de l’approvisionnement en Thiotépa 15 mg et des modalités de substitution par un autre médicament à base de thiotépa (Tepadina 15 m et 100 mg), importé d’Allemagne. Tous les établissements de santé utilisateurs de Thiotépa ont été informés selon une procédure d’urgence (envois de télécopies et de courriers électronique) par l’Afssaps, qui a, ensuite, organisé le retrait des lots potentiellement défectueux.

Procédures en cours
Une opération coordonnée de l’Afssaps et des autorités de santé helvétiques a fait apparaître que la falsification des documents avait très probablement été opérée par la société Alkopharma basée en Suisse. Une procédure judiciaire est engagée en Suisse où de nouvelles investigations sont en cours. Les infractions constatées ont également conduit à la transmission de procès-verbaux au parquet de Blois le 27 octobre 2011. Les suites administratives envisagées sont la suspension des autorisations d’ouverture des deux établissements pharmaceutiques Genopharm et Alkopharm, sans préjudice des poursuites judiciaires (pénales) qui pourraient être décidées par la justice.

Souirce : Afssaps